La peinture évolutive de Ferdinand Maire

 

Un artiste évolue, il ne change pas. Habitués à reconnaître les peintres anciens, chacun par son style propre, quasi immuable, nous sommes aujourd’hui déconcertés devant cette évolution qui a successivement amené Picasso comme Braque, Klee comme Villon et tant d’autres, de leur classicisme des débuts à leur dernière manière. Sans vouloir expliquer la complexité de ce problème dans le peu de lignes qui nous sont permises, nous croyons pouvoir le mettre en rapport avec la rapide évolution qui, au cours d’un demi siècle à peine, a bouleversé la vie et les conceptions de l’humanité. En occident, la crise du rationnalisme et du réalisme a créé les premisses d’un anticonformisme, qui eut tôt fait d’amener à ses dernières conséquences le postulat romantique.

 

A partir des années 30, Maire a évolué d’un réalisme aux couleurs chatoyantes, mais déjà solidement structuré, à une forme de plus en plus libre intérieurement, où seule la vision personnelle du peintre et son émotion sont directement transposées par la couleur.

 

Se rattachant toutefois à Cézanne par la recherche de la structure spatiale solide, quasi architecturale, il demeure éloigné des modes par trop faciles. Refusant les expériences gratuites des trop nombreux "ismes" contemporains, et leur irrationnel voulu, il est ouvert à la sensibilité moderne, et renouvelle sa vision en une toujours plus grande netteté de forme, en des accords de valeurs de plus en plus orchestrées en des rythmes vigoureux.

 

Sa touche, aussi éloignée du pointillisme impressioniste que des giclées de pâte de certains prétendus "abstraits", est déjà elle-même une forme bien déterminée, au jeu sur et simplifié.

 

Pour bien comprendre cet artiste, il faut sentir comment la richesse et l’exubérance de la couleur traduisent chez lui un tempérament authentique de peintre qui ne parle que par elle, en dehors de toute littérature, ainsi que de toute limitation anecdotique.

 

Nous connaissons de Maire une époque verte, une époque jaune, une violette, une bleue. Maintenant, il est dans une période où les rouges chauds dominent ; chacune de ces dominantes a, dans le langage pictural, un sens plus profond qui se rattache à l’expérience spirituelle de l’artiste. A chaque nouvelle époque comme à chaque nouvelle couvre, il revit depuis la source tout le tourment laborieux de la création. Rien en lui n’est habitude, rien n’est définitivement acquis.

 

Dès l’inspiration puisée dans la nature et dans la vie, le problème de la transposition picturale se repropose chez lui depuis le début. Il se retrouve nu, chaque fois, devant la toile blanche. Ceci explique sa perpétuelle jeunesse, son enthousiasme toujours neuf, ainsi que la lenteur mais aussi la continuité de sa création.

 

A soixante ans comme à trente, Maire est resté en contact direct avec la source. Son expression n’est jamais une sémantique conventionnalisée par l’usage, elle est à chaque moment un langage vivant et personnel qui puise dans la réalité de l’âtre tout entier, en perpétuel émerveillement devant la vie, en perpétuelle recherche des possibilités infinies, inépuisables, de la forme.

 

J. Romain.