Une note de liberté
Trincot est un peintre authentiquement figuratif aimant s’adonner à la pratique de l’abstraction. L’écriture informelle lui a permis de vivre la passion des couleurs en échappant au joug des lois et des règles de la représentation. Jamais, il ne s’est senti aussi libre devant la toile !
L’abstraction lui a offert l’occasion de s’exprimer librement. Il pouvait enfin céder l’initiative aux couleurs. Il est arrivé à peindre en deux temps : la première couche abstraite allait lui permettre, dans un deuxième temps d’entrevoir l’image figurative qui allait s’y greffer : un cheval, un train ou une fleur.
Il affirme que la toile naît d’elle-même à partir de la composition instinctive et intuitive des couleurs : c’est le hasard qui fait le destin du tableau. Trincot a ressenti une exquise sensation de liberté en s’adonnant à l’abstraction. Il faudrait se rappeler la guéguerre que se livraient, et parfois de façon féroce, les galeries de rive gauche et celles de rive droite quant à la condamnation de la pratique de la figuration par les uns et l’interdiction de la pratique de l’abstraction par les autres. Divorce dogmatique qui a commis beaucoup de dégats.
Georges Trincot transcende toutes les tendances, toutes les écoles, tous les tabous et toutes les interdictions pour clamer haut et fort l’unité de la peinture.
Chaque touche de couleur est une note de liberté. En s’engageant dans l’abstraction, Trincot n’a pas fait abstraction de la peinture. II a trouvé dans l’exploration de l’abstraction une liberté qu’il n’a point entrevue auparavant. Il affirme sans équivoque que la pratique de l’abstraction lui a permis d’aller au coeur du mystère de l’acte de peindre, là où il fait parler le silence, là où il rend visible l’invisible. Il n’a pas pour autant renoncé à la figuration, il a tenu à préserver en lui l’unité du formel et de l’informel et à maintenir dans l’harmonie les variantes et la complexité du langage.
Taches multicolores désignant la tâche du peintre consistant à créer des toiles dans lesquelles logent des milliers d’étoiles en arc en ciel d’abstractions rassemblées comme par enchantement dans un désordre amoureux habité par le merveilleux.
Dans sa volonté de ne pas occulter ses desseins, Trincot explique sa démarche plastique qui a trouvé dans la pratique de l’abstraction un terreau fertile propice à l’épanouissement artistique : « j’ai fini par me lasser de la répétitivité de la peinture figurative, c’est pourquoi je me suis engagé dans la peinture informelle pour vivre sans entrave la passion des couleurs en laissant au vestiaire les impératifs abusifs de la peinture figurative. Et quelle libération !
En prenant volontairement mes distances vis à vis de la figuration, l’abstraction m’a permis de vivre intensément mes liens charnels avec la toile en m’offrant la possibilité d’appliquer les couleurs librement ».
La peinture figurative, trop pleine du visible et trop servile au réel ne pouvait le satisfaire, de même la peinture abstraite, pratiquée telle la métaphysique du vide ne pouvait combler son besoin ardent de communiquer avec la densité de l’être. Il a pu ainsi réaliser la synthèse entre le formel et l’informel, le vide et le plein, le yin et le yang dans une fantastique énergie fusionnelle qui a permis l’éclosion de son style particulier et inimitable.
Il convient de signaler que lors de son entrée dans l’abstraction son fidèle ami le cheval l’a suivi pour l’aider, selon ses propres termes « à chevaucher librement dans l’univers de l’abstraction ».
Mustapha Chelbi - catalogue raisonné, page 78-79